Dans son dernier film, Culture, Donigan Cumming fouille l'appartement de l'un de ses personnages fétiches, Nelson, qui est alors à l'hôpital. Filmant d'une main et explorant les tiroirs de l'autre, Cumming déniche de nombreuses preuves du passage du temps. La poussière, la saleté, des bouts de nourriture moisis couverts d'insectes témoignent de l'absence de Nelson ; des photographies et des souvenirs évoquent certains épisodes de sa vie.
Derrière la caméra, on entend les réactions de Cumming à la vue de ces trouvailles. Elles vont du dégoût devant le désordre à l'émotion face aux signes de vieillissement et de maladie de son ami, en passant par l'agacement lorsqu'il n'arrive pas à trouver le chéquier de Nelson, qu'il est censé chercher. Cumming découvre aussi des traces du rôle qu'il joue dans la vie de cet homme : il est l'auteur de beaucoup des photos qu'il trouve. On y voit Nelson et d'autres personnages de ses films sur une période de vingt ans.
Les commentaires en voix-off de Cumming (et ses autres films), laissent deviner que beaucoup des gens qui figurent sur ces photos sont déjà morts. Les photos agissent comme un flashback renvoyant à une époque révolue, et laissent aussi présager la mort de Nelson.
Ainsi, Culture se transforme en une élégie anticipée à Nelson mourant. Mais c'est aussi, comme à chaque fois chez Cumming, un commentaire sur l'activité de capturer les gens sur des images fixes et en mouvement. La polysémie du titre du film — qui peut avoir un sens anthropologique, esthétique et biologique — évoque la nature polymorphe du besoin de témoigner de la vie des autres.
Marcy Goldberg, Visions du réel, 2002
(traduction : Emmanuelle Maupetit)