[ Fig. 01] De haut en bas : captures vidéo : <i>Entretien de départ</i>, 2014, <i>Fontaine</i>, 2005, <i>Docu-Duster</i>, 2000.

Biographie de Donigan Cumming

Donigan Cumming aborde des thèmes ayant trait au corps, à la vérité, à la fiction, aux tabous liés à la représentation et à l’engagement social. Artiste multimédia, il fait appel à la photographie, au texte, au son, à la vidéo, au dessin, à la peinture, au collage et à l’animation dans ses œuvres, ses installations, ses projections et ses livres. Cumming situe sa pratique artistique au sein d’une communauté qu’il a constituée au fil de nombreux projets et qu’il a entretenue pendant des décennies. Ces relations de travail rapprochées lui ont permis d’explorer les implications sociales et éthiques de l’image observationnelle. Son œuvre constitue une analyse continue des effets du cinéma et de la photographie documentaires sur le réel, et des diverses réalités des sujets illustrés et décrits. La pratique de Donigan Cumming est ainsi marquée par un intérêt pour la limite entre la « scène » publique et les « coulisses » privées, pour les performances psycho-sociales de tous les acteurs et actrices, dont lui-même, en tant que réalisateur.

[ Fig. 02 ] Photographie de Donigan Cumming à Heffner Gap, Caroline du Nord. Autour de 1968. Photo : Robert Forsythe.

Cumming naît à Danville, en Virginie, en 1947. En 1970, en résistance à une guerre livrée par les États-Unis au Cambodge, au Laos et au Vietnam, il s’installe à Montréal, au Québec, où il reprend sa pratique artistique. En 1978, il obtient un baccalauréat en science de la Florida State University (Tallahassee). En 1985, il termine une maîtrise en beaux-arts à l’Université Concordia, tout en travaillant au cycle de photographies et d’enregistrements sonores qui deviendra La Réalité et le Dessein dans la photographie documentaire (1986). Présenté dans plusieurs expositions individuelles et collectives, notamment à la Galerie de l’image/Photo Gallery de l’ONF/NFB (Ottawa), The Photography Gallery (TPW) (Toronto), la Coburg Gallery (Vancouver) et la Blue Sky Gallery (Portland, Oregon), le projet a initié un débat critique dans les principales revues d’art comme Parachute, Vanguard, Canadian Art et C Magazine.

[ Fig. 03 ] <i>La Réalité et le Dessein dans la photographie documentaire</i>, Partie 2, 1986.

La Réalité et le Dessein dans la photographie documentaire a été lancée dans sa forme tripartite finale lors d’expositions individuelles à OK Harris et au 49e Parallèle, à New York, et au Centre national de la photographie, à Paris, toutes en 1986. Organisée par le Musée canadien de la photographie contemporaine, l’exposition circule en Europe, aux États-Unis et au Canada, alors que des extraits font partie d’influentes expositions collectives, comme Photography: Suggestions and Facts (Mandeville Gallery, La Jolla, CA), Foto(con)tekst (Perspektief Gallery, Rotterdam) et Culture Medium (International Center of Photography, New York).

Les projets majeurs suivants ont été lancés lors d’expositions individuelles : Le Miroir, le Marteau, et la Scène (Museum of Contemporary Photography, Chicago, 1990) ; Détournement de l’image (Art Gallery of Windsor et CIAC, Centre international d’art contemporain de Montréal, 1993) ; Pretty Ribbons (Les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, 1994) ; Moving Stills (Mois de la Photo à Montréal, 1999, et International Film Festival Rotterdam, 2000) ; et Gimlet Eye (Chapter Arts Centre et Ffotogallery, Cardiff, 2001).

[ Fig. 04 ] <i>Le Miroir, le marteau, et la scène</i>, 1990.
[ Fig. 05 ] <i>Le Miroir, le marteau, et la scène</i> (vue d'exposition), Museum of Contemporary Photography, 1990. Photo : Donigan Cumming.

Le travail de Cumming a fait partie de grandes expositions ouvertes au débat, notamment Real Stories: Revisions in Documentary and Narrative Photography (Museet for Fotokunst, Odense, Danemark, 1992) ; The Body/Le Corps (Kunsthalle, Bielefeld, Allemagne, 1994, et Lutz Teutloff Modern Art Cologne, Allemagne, 1994-1995) ; The Dead (National Museum of Photography, Film, and Television, Bradford, Royaume-Uni, 1995) ; El cos, la llengua, les paraules, la pell : Artistes contemporains del Québec (Arts Santa Mònica, Barcelone, Espagne, 1999) ; Le cadre, la scène, le site (Centro de la Imagen (Mexico et tournée mexicaine, 2000-2002) ; Portraits intimes (Foto Instituut de Rotterdam, Pays-Bas, 2002) ; Immodest Gazes (Fondació la Caixa, Barcelone, Espagne, 2000) ; et World without End (Art Gallery of New South Wales, Sydney, Australie, 2000).

Le travail visionnaire de Cumming durant cette période a été présenté dans le cadre d’expositions issues de collections muséales : Beau : une réflexion sur la nature de la beauté en photographie / Beau: a reflection on the nature of beauty in photography (Musée canadien de la photographie contemporaine, Ottawa, 1992) ; Une aventure contemporaine, la photographie 1955-1995 (Maison européenne de la photographie, Paris, France, 1996) ; Bearing Witness: works from the collection (Vancouver Art Gallery, Vancouver, 2010) ; La photographie d’auteur au Québec : Une collection prend forme au Musée/Auteur Photography in Québec: A Collection Takes Shape (Musée des beaux-arts de Montréal, Montréal, 2013) ; De Ferron à BGL : Art contemporain du Québec / From Ferron to BGL: Contemporary Art in Québec (Musée national des beaux-arts du Québec, Québec, 2016) ; et La photographie au Canada, 1960-2000 / Photography in Canada: 1960-2000 (Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, 2017).

En 2005, le Museum of Contemporary Canadian Art (aujourd’hui le MOCA, Toronto) proposait Moving Pictures, une importante vue d’ensemble de l’œuvre de Cumming. Sous le commissariat de Peggy Gale, l’exposition présentait pour la première fois deux panneaux monumentaux, soit Prologue et Épilogue, un collage construit à partir des archives photographiques et vidéographiques de l’artiste. Prologue et Épilogue étaient également les pièces maîtresses de Donigan Cumming : La somme, le sommeil, le cauchemar, exposition commissariée par Catherine Bédard pour le Mois de la photo à Paris (Centre Culturel Canadien, Paris, 2006). Une vue d’ensemble du travail de Cumming en multimédia, photographie et vidéo a été présentée dans l’exposition Ex Votos à la Mount Saint Vincent University Art Gallery (Halifax).

[ Fig. 06 ] <i>Untitled (Brian in bed, colours, and cross)</i>, 2016.
[ Fig. 07 ] <i>Untitled (In Alfred's room, red, orange, purple, green, blue and yellow)</i>, 2016.
[ Fig. 08 ] <i>Untitled (man and dog No. 6), Atwater Avenue</i>, 2017.
[ Fig. 09 ] <i>Untitled (refrigerator in flames, Alfred and Nettie in her kitchen in Outremont)</i>, 2017.
[ Fig. 10 ] <i>Kincora</i>, dans le cadre d'<i>État d'urgence 09</i> de l'ATSA, Place Émilie-Gamelin, Montréal, 2009, Photo : Donigan Cumming.

En tant qu’artiste en résidence au Centre VU (Québec), Cumming a réalisé Kincora, une grande série de tirages jet d'encre faits à partir de dessins de ses photographies, présentée à VU (2008) et à la Galerie Éric Devlin (Montréal, 2008). Cette transition a également pris la forme d’une œuvre pour la revue BlackFlash dans le cadre de « Alive: Artist Pages » (2008), d’un projet pour Cinematic Folds: The Furling and Unfurling of Images (Pleasure Dome, 2008) et d’une installation multimédia extérieure pour l’État d’urgence 09 de l’ATSA, à la place Émilie-Gamelin, Montréal (2009). Il y a eu aussi, à l’occasion, des projets de courts et de moyens métrages vidéo, à commencer par Crayons, cendres, allumettes et poussière (2009). Bien trop de choses (2010), un alliage de documentaire observationnel et d’animation, a été présentée en première à la Cinémathèque québécoise, dans le cadre d’une exposition parcourant six années de production, Donigan Cumming : preuves nouvelles et choses trouvées, et accompagnée de tirages jet d'encre et de dessins connexes, œuvres émanant toutes de sa communauté imaginée de Kincora.

[ Fig. 11 ] <i>Lying Quiet</i>, 2004.
[ Fig. 12 ] <i>Lying Quiet</i>, 2004.

En 2011, Cumming et Matthieu Brouillard ont conçu et co-commissarié une exposition dans laquelle ils exploraient les intersections entre leurs œuvres. Cela a donné une exposition itinérante et un livre d’artiste : Coming Through the Fog: Les rencontres de Donigan Cumming et Matthieu Brouillard (Centre Sagamie éditions d’art, 2012). Cumming a également publié plusieurs livres d’artiste, entre autres The Stage (Maquam Press, 1991), Gimlet Eye (Chapter Arts Centre et Ffotogallery, 2001), Lying Quiet (Museum of Contemporary Canadian Art, 2004), Kincora (Maquam Press, 2008) et Pencils, Ashes, Matches & Dust (J’ai VU, 2009). Un livre d’artiste, Kerr’s Suitcase (Maquam Press, 2015), et une vidéo, Dans la valise de Kerr (2016), ont découlé d’une collaboration imaginée entre Cumming et David Kerr (1945-2007), s’accompagnant d’un exercice de mémoire. 

[ Fig. 13 ] <i>Pretty Ribbons</i>, 1993.

Cumming a commencé à faire de la vidéo en 1995, après la mort de Nettie Harris, sa collaboratrice et son modèle. En 1993, le documentaire Séance avec Nettie/A Session with Nettie de Bruno Carrière donnait un aperçu de leur processus de création collaborative pendant la production de Pretty Ribbons. Une prière pour Nettie (1995) de Cumming, conçu comme un hommage photographique et vidéographique à canaux multiples et mis en circulation sous cette forme, a fait l’objet d’un remontage afin d’être présentée en salle, en première au Festival du Nouveau Cinéma (Montréal) en 1996, remportant le prix vidéo de la meilleure découverte canadienne de Téléfilm Canada [Telefilm Canada Video Prize for Best Canadian Discovery].

Ses vidéos ont été projetées au Canada et sur la scène internationale, à la fois en salle et sous forme de projection continue. En 1998, l’International Film Festival Rotterdam (IFFR) a inscrit l’œuvre de Cumming dans un programme intitulé The Cruel Machine. En 2000, son installation vidéo Moving Stills faisait partie du programme Exploding Cinema du IFFR, alors que son œuvre Fontaine était présentée en première au IFFR en 2005. Les vidéos de Cumming ont été projetées dans des festivals et des lieux consacrés au cinéma expérimental : le New York Video Festival, le Whitney Museum of American Art, Anthology Film Archives, le Musée d’art moderne et le Millenium Film Workshop. Des programmes lui ont été consacrés au Lux Centre for Film, Video, and New Media (Shoreditch Biennale, Londres, R.-U.), au Pleasure Dome (Toronto) et à Méduse (Québec). Continuité et rupture/Continuity and Rupture, une collection VHS de ses œuvres vidéo publiée par Cinéma Libre en 1999, a donné lieu à une série de projections en France et à une publication complémentaire, Donigan Cumming : Continuité et rupture (Centre Culturel Canadien et Ambassade du Canada à Paris, 2000). Un boîtier DVD intitulé Controlled Disturbance: Donigan Cumming, réunissant des essais de Catherine Bédard, Sally Berger, Peggy Gale, Marcy Goldberg, Marie-Josée Jean, Jean Perret, Nicolas Renaud et Yann-Olivier Wicht, a été publié par Vidéographe (Montréal, 2005).

[ Fig. 14 ] <i>Moving Stills</i> (vue d'exposition), Museum of Contemporary Canadian Art, Toronto, 2005. Photo : Donigan Cumming.
[ Fig. 15 ] <i>Harry's Diary: Extract From Pretty Ribbons</i> (vue d'exposition), Les Cent jours d’art contemporain, Montréal, 1993. Photo : Donigan Cumming.
[ Fig. 16 ] <i>Harry's Diary: Extract From Pretty Ribbons</i> (vue d'exposition), Les Cent jours d’art contemporain, Montréal, 1993. Photo : Donigan Cumming.
[ Fig. 17 ] <i>Harry's Diary: Extract From Pretty Ribbons</i> (vue d'exposition), Kunsthalle Bielefeld, Germany, 1994. Photo : Donigan Cumming.

L’œuvre controversée de Cumming a fait l’objet d’examens critiques et de rétrospectives, dont des programmes à la Pacific Film Archive (Berkeley, CA, 2002) et à Visions du Réel (Nyon, Suisse, 2002), de même que de plusieurs monographies : Splitting the Choir: The Moving Images of Donigan Cumming (Canadian Film Institute / Institut canadien du film, Ottawa, 2011), Donigan Cumming : Monographie (Dazibao et Vu, Montréal et Québec, 2012) ; et Donigan Cumming: The Stage: Books on Books #19 (Errata Editions, New York, 2014). Il a été le sujet d’entrevues en profondeur menées par Robert Enright, Jean Perret, Mike Hoolboom et Philippe Gagan, lesquelles ont été publiées. En 2015, la Cinémathèque québécoise, en collaboration avec Vidéographe, a présenté deux programmes et une classe de maître autour des œuvres de Donigan Cumming. La même année, sa vidéo Culture était incluse dans le programme intitulé L’œil du photographe : la photographie et le documentaire poétique / A Photographer’s Eye: Photography and the Poetic Documentary (Rencontres internationales du documentaire de Montréal, 2015).

[ Fig. 18 ] <i>Fontaine</i> (capture vidéo), 2005.

L’œuvre de Cumming a été abordée dans plusieurs ouvrages théoriques et de référence, dont Contemporary Photographers (St. James Press, 1996), The Photography Book (Phaidon, 1997), Art and Photography (Phaidon, 2003), Faking Death: Canadian Art Photography and the Canadian Imagination (McGill-Queen’s University Press, 2003), Das Lexikon der Fotografen (Knaur, 2003), The Photobook: A History, Volume 2 (Phaidon, 2006), Scissors, Paper, Stone: Expressions of Memory in Contemporary Photographic Art (McGill-Queen’s University Press, 2007), Touching Surfaces: Photographic Aesthetics, Temporality, Aging (Brill Rodopi, 2008), 100 Video Artists/100 video artistas (EXIT Publicaciones, 2009), The Visual Arts in Canada: The Twentieth Century (Oxford University Press, 2010), Une Collection, Maison européenne de la photographie (Actes Sud, 2015) et The Thames & Hudson Dictionary of Photography (Thames & Hudson, 2015). Parmi les études académiques portant sur son œuvre, on compte celles de Scott Birdwise, « Life Support: The Documentary Means Without End of Donigan Cumming » (Carleton University, 2010), d’Élène Tremblay, L’insistance du regard sur le corps éprouvé : Pathos et contre-pathos (Forum Edizioni, 2013) et de Florence Le Blanc, « “Les Épaves scintillantes” : emplois autofictionnels de la photographie au sein du récit filmique » (Université Laval, 2019). Le portrait qu’a dressé Cumming de Nettie Harris au fil de nombreuses années, Pretty Ribbons, continue à susciter un intérêt académique et artistique, dont celui de Kathleen Woodward, « Performing Age, Performing Gender » (2006), de Vicky Hodgson, « Stereotypical Representations of Women and Ageing: A Review of Literature and Photographic Practice » (2018) et de GraceGraceGrace, le trio d’artistes britanniques dans son GraceGraceGrace explore gen-age (2019).

[ Fig. 19 ] <i>Harry's Diary: Extract from Pretty Ribbons</i>, 1993.
[ Fig. 20 ] <i>Harry's Diary: Extract from Pretty Ribbons</i>, 1993.

Les œuvres photographiques et vidéographiques de Donigan Cumming font partie des collections permanentes de grandes institutions au Québec, au Canada et à l’étranger : le Musée d’art moderne (New York), le Musée canadien de la photographie contemporaine (Ottawa), la Maison européenne de la photographie (Paris), le Musée de L’Élysée (Lausanne), le Musée national des beaux-arts du Québec (Québec), le Musée d’art contemporain de Montréal et le Museum of Contemporary Art (Los Angeles), de même que des musées nationaux en Belgique, au Danemark, aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne et en Suisse.

Cumming a été soutenu dans son travail dès le départ par des bourses du National Endowment for the Arts et de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation, suivies de bourses de projet et en arts visuels du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec de même que du Conseil des arts du Canada, dont une bourse à long terme (2008-2010). Le prix de la découverte canadienne de 1996 a été suivi de celui de Téléfilm Canada pour le meilleur film ou vidéo canadien, court ou moyen métrage [Best Canadian Short or Medium-Length Film or Video] (1998, pour L’ange capricieux) ; du Barbara Aronofsky Latham Memorial Award, 11th Annual Dallas Video Festival (2002 pour Après Brenda) ; et Prix du meilleur documentaire, court ou moyen métrage, Association québécoise des critiques de cinéma (2002 pour My Dinner with Weegee). En 2008, son court métrage vidéo Monument résultait d’une commande de la Fundaçào Calouste Gulbenkian, à Lisbonne, pour une collection DVD, Tão Perto / Tão Longe [Si Proche / Si Loin ; So Close / So Far]. Parmi ses résidences très productives, mentionnons celles à VU, centre de diffusion et de production de la photographie (Québec) et à PRIM – Recherche et création expérimentale (Montréal). En plus des conférences d’artiste et des ateliers qu’il a donnés, Cumming a été professeur invité (en photographie) au Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CEPV) en Suisse de 2011 à 2017. Il est représenté par la Galerie Michel Guimont (Québec), La Castiglione (Montréal), Vidéographe (Montréal) et Video Data Bank (Chicago).

Section précédente

Prochaine section