[ Fig. 01 ] Marc Paradis chez lui, 198?.

Biographie de Marc Paradis

Marc Paradis est né à Montréal le 24 mars 1955 et y est décédé à l'été 2019. Son parcours éclectique touche au théâtre, à la vidéo et au design d’intérieur. Dans un curriculum vitae en forme de biographie des années 19801, il détaille avec une autodérision impitoyable ses jeunes années et un parcours scolaire compliqué, entre déménagements, conflits et renvois. Il étudie en arts plastiques au Cégep de Sainte-Foy, en décors et costumes à l'École nationale de théâtre du Canada à Montréal et au Module d'art dramatique de l’UQAM. De 1978 à 1990, il participe également à de nombreux ateliers de formation, animés notamment par Jozef Robakowski, Bruno Bigoni, Jerzy Grotowski et Michael Kriegman. 

 

[ Fig. 02 ] Marc Paradis, 1990.

En 1976, il fonde avec son conjoint Éric Duchesne le Café théâtre Le Hobbit à Québec dans une maison patrimoniale promise à la démolition. Jusqu’en 1979, il en est le principal animateur et l’homme à tout faire. Cette petite scène accueille, jusqu’en 1981, la relève théâtrale québécoise, dont un certain Robert Lepage. 

[ Fig. 03 ] Marc Paradis et Jean-François Garsi, 198?.
[ Fig.04 ] <i>Le voyage de l'ogre</i> (capture vidéo), 1981.

À Montréal en juin 1980, Paradis rencontre le réalisateur français Jean-François Garsi, dont il devient l’assistant pour le film La chambre blanche. Fascinés par John Wayne Gacy, tueur en série américain homosexuel arrêté en 1978, ils développent à son sujet un projet de court métrage (Polaroid Killer que Garsi réalise en France en 1984) puis de long métrage (La nuit fluide, inédit). En 1981, Paradis filme des screen-tests pour La nuit fluide. Il en sortira Le voyage de l’ogre, réflexion intime sur Gacy et l’homosexualité. Comme dans la plupart de ses vidéos subséquentes, Paradis y explore de façon directe et crue le désir, l’amour et la sexualité homosexuels et le corps masculin. Dans la foulée du Voyage de l’ogre, il fonde le Groupe du mardi, un « groupe de réflexion théâtrale sur l'art de la représentation et la sexualité », selon ses mots, composés d’artistes et d’amis. Ils publient en 1982 le « Manifeste du Groupe du mardi » dans la revue Trafic. Ils travaillent aussi à une pièce de théâtre, Sodomi et le gars mort. Paradis joue et met en scène Aux yeux des hommes de John Herbert au café-théâtre Nelligan à Montréal en 1981. 

[ Fig. 05 ] <i>Délivre-nous du mal</i> (capture vidéo), 1987.

Tout au long des années 1980, Paradis poursuit sa production vidéo avec la contribution de ses proches : Éric Duchesne, Simon B. Robert, Gabriel Beauregard, Yves Lalonde, Jean Tourangeau (1954-2019), Daniel Carrière, Luc Bourdon. La vie et l’art sont pour lui indissociables.

L'incident « Jones » (1986), Délivre-nous du mal (1987) et Lettre à un amant (1988) forment une trilogie sur la rupture amoureuse. Paradis s’attache aussi à documenter la scène artistique montréalaise avec Portrait de John Mingolla (1985), Performances de Yves Lalonde (1987) ou L’instruction (1984), d’après Peter Weiss. Plus que des captations, ces vidéos tentent de rendre compte de l’expérience du spectateur, voire des artistes.

[ Fig. 06 ] <i>Say Cheese for a Trans-Canadian Look</i> (capture vidéo), 1985.

Paradis est aussi très engagé dans la scène vidéo montréalaise. Il siège au conseil d’administration de PRIM en 1983 et 1984, et de Vidéographe en 1985, 1986 et 1990. Il est aussi coordonnateur général intérimaire de ce dernier organisme en 1988-1989. En 1983-1984, Paradis est programmateur-conservateur de la sélection canadienne de la « Présence Vidéo » du 13e Festival international du nouveau cinéma et de la vidéo de Montréal avec Luc Bourdon. Ils signent Scheme vidéo (1984) et Say Cheese for a Trans-Canadian Look (1985), sur leur travail de programmateurs pour le festival, leurs recherches et leurs rencontres.

[ Fig. 07 ] <i>Lettre à un amant</i> (capture vidéo), 1988.

En 1990, Lettre à un amant est acheté par Canal+ (France). En 1991, trois bandes de Paradis doivent figurer dans l’exposition Un archipel de désir : les artistes québécois et la scène internationale qui marque la réouverture du Musée du Québec : L'incident « Jones » (1986), Délivre-nous du mal (1987) et Lettre à un amant (1988). À l’ouverture, seule L'incident « Jones », la moins explicite des trois, est présentée. Censure ? Le musée prétexte un retard administratif, explication qui ne satisfait pas Paradis. Il retire ses œuvres de l’exposition ; les autres vidéastes exposés – Robert Morin, Lorraine Dufour, Luc Bourdon, François Girard, Jeanne Crépeau et Daniel Dion – lui emboîtent le pas. Les journaux suivent avec intérêt le conflit.

[ Fig. 08 ] <i>L'incident « Jones »</i> (capture vidéo), 1986.
[ Fig. 09 ] <i>L'incident « Jones »</i> (capture vidéo), 1986.

Alors que les années 1990 semblent celles de la reconnaissance, Paradis délaisse la vidéo. Harems, œuvre ambitieuse nourrie d’une mythologie classique et personnelle, semble marquer la fin de sa production. Membre du collectif Farine orpheline cherche ailleurs meilleur, il participe à l’organisation de l’évènement Utopia en 1999, un laboratoire de recherche-création sur fond de patrimoine industriel. Il travaille aussi comme designer d’intérieur, notamment pour Guy Laliberté et le Cirque du soleil, ainsi que pour des commerces et des particuliers à Montréal et à l’étranger. Au début des années 2000, il signe trois vidéos – Ecce Omo, Marrakech et La vie est ronde – tournées lors de voyages. Ecce Omo est présentée au Festival du nouveau cinéma ; les deux dernières œuvres resteront inédites.

[ Fig. 10 ] Marc Paradis dans <i>Harems</i> (capture vidéo), 1991.

Le travail vidéo de Marc Paradis, largement diffusé, a été présenté dans de nombreux festivals et à la Walter Phillips Gallery, au LACE/Los Angeles Contemporary Exhibitions (1988), à la galerie Optica (Montréal, 1987), au Museum of Modern Art (New York), au Rochester Contemporary Art Center (RoCo), à la MacKenzie Art Gallery (Regina), au Long Beach Museum of Art Video, au Museo de Arte Moderno de Medellín et à la San Francisco Cinematheque. Ses œuvres font partie des collections de The Kitchen (New York), du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée national des beaux-arts du Québec et du MoMA.

[ Fig. 11 ] <i>L'instruction</i> (capture vidéo), 1984.
  1. Disponible dans la section « Documents d'archives ».

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