Introduction
Réalisée dans le cadre du prix Robert-Forget 2024, cette publication numérique rassemble des auteur·es affectionné·es par Henricks, qui sont près de son parcours et de ses sujets de prédilection. Elle vise donc à célébrer son œuvre importante de même que son apport précieux à l’histoire de l’art vidéo tout en offrant le point de vue unique de l’artiste sur son œuvre.
En effet, Henricks présente en introduction son cheminement professionnel, réinterprétant ainsi textuellement la forme récurrente de l’autoportrait dans son travail visuel. Le texte éminemment personnel évoque dans sa forme le sens incontestable du rythme et de la composition de l’artiste, dans le ton, son humour pince-sans-rire et, dans le fond, les approches esthétiques, éthiques et politiques de son œuvre. Suit le texte de Christine Ross qui, publié en 1995 dans le cadre de l’exposition solo Je vais vous raconter une histoire de fantômes à OBORO, développe une analyse étoffée d’un corpus à l’aube d’un grand rayonnement. L’auteure examine les œuvres sous l’angle de l’invisibilité comme mode de représentation et de révélation. Ce texte est d’autant plus intéressant aujourd’hui que les vidéos étudiées pour leur esthétique de la disparition sont fondamentales à la reconnaissance de Henricks. Figure de proue de la communauté montréalaise des arts visuels et médiatiques, l’artiste s’est démarqué – non sans une ironie qui doit ravir le principal intéressé – en produisant une image de lui-même remettant en question la véracité même du visible.
Explorant un corpus récent, le texte de Maude Johnson se penche sur l’intertextualité des œuvres de Henricks. Johnson utilise la méthodologie commissariale pour analyser les approches discursives de l’artiste. La posture théorique de l’auteure fait ainsi écho à la pratique globale de l’artiste qui inclut l’écriture, le commissariat et l’enseignement comme autant de façons de mettre en récit. Comme l’assemblage ou la recontextualisation commissariale, la multiplication des canaux discursifs constitue une force dynamique qui amplifie non seulement l’impact de l’œuvre de Henricks, mais aussi son influence sur les prochaines générations. En traitant d’Emission (1994) et de Don’t You Like the Green of A (2022), Vincent Bonin offre une rétrospective radicalement condensée d’une production foisonnante, axée sur le truchement des actes et du discours, des sons et des couleurs. L’auteur trace ainsi les contours d’une « autothéorie » comme une invitation à poursuivre la conversation avec le texte de Jon Davies. Ce dernier explore la « queerness » de l’œuvre de Henricks pour sa structure d’opposition (soi / autre, artifice / authentique, voix / corps, mot / image) qu’il met en parallèle avec la matérialité et le contexte social de son travail. L’analyse de la voix et des paroles dans les œuvres de Henricks dresse, en conclusion de l’essai, un portrait étonnement intimiste de l’artiste. Loin des effets de dissimulation, de subterfuge, de performance et de fragmentation des identités1, c’est Nelson Henricks qui se dévoile enfin. Pluriel.
Voir Jon Davies La fin de la ligne(ée) : « La voix queer n'est pas apparue spontanément mais s'est construite à partir d’une histoire façonnée par la dissimulation, la transition, le subterfuge, la performance et la fragmentation des identités. »