Reconstructions

 
Résumé
L'artiste Nayla Dabaji offre un survol de son travail en arts visuels.
Auteurs
Nayla Dabaji
Nayla Dabaji est née à Beyrouth et détient un diplôme d’études supérieures en Arts Plastiques de l’Académie Libanaise des Beaux-arts (ALBA). Elle travaille avec une variété de médiums comme la photographie, l’installation, l’action performative, l’écriture ou le tissage. Après avoir vécu au Cameroun, en France et au Liban, elle s’installe au Québec en 2011 et développe un intérêt pour l’art vidéo pendant ses études en Intermedia/Cyberarts à l’Université Concordia.

Reconstructions : Présentation de travaux en arts visuels 

001 - Je suis née à Beyrouth, j’ai grandi au Cameroun, vécu en France, découvert le Liban d’après-guerre dans les années 1990 pour ensuite le quitter à nouveau en 2011 lorsque je me suis installée au Québec. Mon parcours est bercé par le voyage et la migration, et ma pratique artistique a beaucoup puisé dans ce vécu.

001 – Liban

002 - Wearing a place (2014) est un projet sur le lieu, ou comment le représenter de façon personnelle. C’est aussi une œuvre qui revisite un lieu qui est cher à ma pratique, mon ancien atelier à Beyrouth, lieu de mes premières toiles, qui était aussi le lieu où je vivais. 003 - Ce projet explore la possibilité de traduire ce lieu en un vêtement. Le design du manteau s’inspire des carreaux ou dalles du sol de l'atelier. 004 - Celles-ci datent de 1932, sont faites à la main et sont assez typiques des appartements traditionnels du début du 20ème siècle, comme le serait le plancher en bois ici. Ce type de carreaux est fait à partir de pigments de couleur mélangés à du ciment et du sable. En fait, ils ont l’apparence de carreaux en céramique mais ce sont des carreaux de ciment, bien ancrés dans le sol du bâtiment. Lorsqu’ils couvrent la superficie d’une salle, ils créent l’effet d’un tapis avec une bordure. Le motif ornemental, le carrelage principal, fait référence à l’art islamique (les formes géométriques, la répétition en forme de cercles et la symétrie) 005 - alors que la bordure, elle, fait écho aux rinceaux qui peuvent nous ramener aussi loin que la Grèce ou la Rome antique (comme les fleurs et les formes plus rondes). 006 - C’est en me questionnant sur la possibilité de traduire la chaleur, la sensation de confort, de bien-être, de familiarité et d’harmonie avec l’espace, que je tente de transposer le lieu au vêtement. Le statique devient mobile et le motif déconstruit. Le manteau de laine protège et isole, il tient chaud. Une reconstruction de l’atelier, en quelque sorte, à travers les dalles qui donnent une particularité à ce lieu, et traduit dans un autre médium, le travail du feutre ; que j’ai d’ailleurs travaillé au sol. Un projet toujours en cours, et qui voyagera avec moi. Le manteau est placé au sol et se présente de cette façon.

002 – Studio de l'artiste

003  – Wearing a place (2014)

004 – Tuiles, 1932

005 – Bordure, 1932

006 – Le manteau est présenté au sol

007 - En 2006, Ziad Bitar (avec qui je travaille en duo) et moi avons été en résidence d’artiste en Corée du Sud, à Seoul, et nous avons créé le projet Who said that something happened?. Ce projet a été imprégné par la guerre que nous avions vécue l’été de cette même année au Liban, puis est devenu le point de départ d’un parcours artistique migratoire : celui de créer des œuvres en rapport avec le voyage ou « en » voyage. La Corée du sud, où j’ai été plusieurs fois, a aussi été une grande source d’inspiration, deux des quatre projets que je présente ce soir ont été créés dans ce pays.

007 – Who said that something happened?

008 - Who said that something happened?  regroupe des témoignages sur le thème de la crise. Aux nôtres, se sont ajoutés ceux de nos amis, de connaissances, de rencontres, certains de la presse; que ce soit au Liban ou en Corée. 009-010-011 - Ce que ces témoignages ont de particulier, c’est qu’ils sont reconstruits, ils sont reproduits de mémoire, donc quelque part, pas totalement fiables ou pouvant toucher à la fiction. Ce projet reste, malgré tout, un exercice de mémoire, dans le sens où on devait se rappeler ou faire revivre le souvenir avec ce qu’il contient comme imperfections, imagination ou trous noirs. Dans notre processus de travail, nous n’avons jamais enregistré une conversation ou pris des notes. Il était alors plus respectueux  pour nous et pour les autres de ne pas signer les témoignages. 012 - Entre un souvenir et une existence flottante, ces témoignages sont par la suite regroupés dans des livres faits soigneusement à la main, d’environ 14 x 9 cm chacun, et chacun contenant des textes différents. 013-014 - Les livres sont ensuite délibérément et anonymement déposés dans des libraires commerciales à Séoul sous différentes catégories (histoire, sociologie, théâtre, etc.). Qu’adviendra-t-il de ces livres ? Nous n’avons pas fait de suivi, nous n’en avons donc aucune idée. Les livres se sont dotés d’une nouvelle existence. 015 - Au total, 33 livres uniques proposent de simuler le recours à l’oubli, de manière individuelle ou collective, après une période de crise. Comme si rien ne s’était passé. L’installation de ce projet regroupe des photographies et une documentation du processus de travail sous forme d’un journal ; 2000 copies que pouvaient prendre librement les personnes visitant l’exposition, 2000 copies censées disparaitre elles aussi…

008 – Un recueil de témoignages

009 – Un recueil de témoignages

010 – Un recueil de témoignages

011 – Un recueil de témoignages

012 – Livres faits à la main

013 – 33 livres uniques

014 – Les livres ont été déposés dans des libraires commerciales de Séoul

015 – L'installation

016 - A road into to the sea (2010) est une série de photographies réalisées pendant une résidence d’artiste en Corée, plus particulièrement à Daebudo, dans un village relativement isolé au bord de la mer Jaune, ou mer de Corée. 017 - Le paysage dans cette région a quelque chose de lunaire, les vasières découvertes par la mer sont un riche écosystème que l’on peut apercevoir uniquement deux fois par jour, pendant le cycle des marées basses. 017/2 - Cette zone intertidale, ou entre deux côtes, a quelque chose d’éphémère ou d’irréel, assez typique du littoral de l’ouest de la Corée. 018 - Le lieu que j’ai choisi pour ce projet est, à marée basse, une route d’approximativement 2,8 km, en béton, qui se termine par une plateforme. A marée haute, cette route, qui est principalement utilisée par des femmes et des hommes qui pêchent le crabe et ramassent des coquillages, disparait totalement sous l’eau. 019-020-021-021/2 - Je décide de la prendre à vélo en totalité, à marée basse, un après-midi, assez vite pour faire le retour avant la marée haute, dans un intervalle de temps de moins d’une heure. Je documente uniquement l’aller, étant trop pressée pour le faire au retour, et je décide de filmer en vidéo, pour utiliser ensuite les images comme des photographies. 022 - Ce projet a été réalisé de manière spontanée, mais je le considère très important parce qu’il touche à l’expérience d’un lieu, il joint différentes thématiques qui me fascinent : le temps, l’espace, le paysage, la mobilité et la notion d’interstice.  021/2 - Ce projet, ou cette expérimentation, dont l’intérêt a été de vivre le moment puis de le reconstruire, devient une sorte de voyage mental, une réflexion sur la mobilité double, celle du corps et de l’espace, dans un espace qui, lui aussi, disparait puis réapparait et se transforme… une sorte de prise de conscience de l’intervalle de temps qui existe entre deux temps, celui des marées, ou comment essayer d’en garder quelque chose, de le capturer.

016 – A road into to the sea (2010)

017 – Le paysage

017/2 – La zone intertidale

018 – Le site du projet

019 – La route

020 – La route à marée montante

021 – La route à marée montante

021/2 – La route à marée montante

022 – L'oeuvre

023 - Gratter le ciel par la racine (2017) s’intéresse à la déambulation urbaine comme pratique esthétique et artistique. C’est en parcourant un itinéraire préalablement choisi que nous avons recueilli des enregistrements pour la production d’une œuvre. Ce travail fonctionne comme un récit de voyage; une traduction de notre expérience subjective et multiple de l’espace traversé, où le réel se mêle à l’imaginaire, puisque la déambulation, tout en étant physique, est aussi mentale. 024 - Réalisée en duo avec Ziad, l’œuvre revient sur une discussion que nous avons eue sur une montagne, et ce que ça représentait pour nous de se retrouver au sommet. 025 - Pour ce projet, nous avons choisi deux endroits qui se prêtent à des vues panoramiques : le nouvel observatoire de la Place Ville-Marie et le mont Saint-Hilaire. Ces deux lieux créent deux points qui forment une ligne imaginaire. En montant sur ces sommets puis en parcourant les distances entre eux, que ce soit en marchant ou en utilisant des transports publics, nous avons réalisé des photographies et des courtes vidéos qui tentent d’appréhender l’espace parcouru. Cette œuvre au final comporte un texte, deux vidéos et deux peintures.

023 – Gratter le ciel par la racine (2017)

024 – Vue du Mont St. Hilaire

025 – Vues du mont St-Hilaire et de l'observatoire

026 - Dans la vidéo Tours, un personnage longe les murs qui forment la surface maximale d’un 44e étage. Au lieu de montrer ce qui a lieu dans cet étage, la caméra ne montre que le sol de l’édifice et la marche en temps réel. Celle-ci est rythmée par des bruits de passage de trains, d’eau qui coule et de sons de pas sur le béton. Conçue pour être présentée en boucle, elle se construit comme un itinéraire en cercle dans une structure rectangulaire. Rédigé comme une anecdote et signé par le pseudonyme de S., le récit décrit les différentes idées qui ont mené à réaliser le parcours jusqu’au mont Saint-Hilaire. 027 - La peinture Repères, de 1m65 x 60 cm, présente un paysage panoramique. 028 - Basée sur 18 photographies, cette œuvre reconstruit les moments forts de l’itinéraire tout en se référant au récit. 029 - Malgré ses références directes à l’espace arpenté, cette cartographie subjective propose une vision imaginaire d’un parcours dans une géographie multiple. 030 - 031 - Si la première peinture se réfère à la mobilité, la seconde, de 1m20 x 80 cm, intitulée le point zéro, montre un point géodésique; fixe et immobile. Ce type de point sert de référence et d’orientation pour calculer, à travers une méthode optique appelée la triangulation, les hauteurs et les distances entre des sommets. Souvent, ces types de points sont surmontés par un élément précis et visible. Dans notre cas, c’est une pyramide que nous avons peinte. On l’a croisée sur un sommet des montagnes jurassiennes en Europe lors d’un voyage en septembre 2016. Ce point symbolise un espace de contemplation et de réflexion où toute l’œuvre semble débuter et se terminer. 032 - Finalement, la vidéo Km.0 est une ballade où le réel et le virtuel se croisent.

026 – Tours

027 – Repères

028 - Repères, détails

029 - Repères, détails

030 – Repères, détails

031 - le point zéro

032 – Km.0

Ce texte a été rédigé et lu pour l'évènement Carte blanche à Nayla Dabaji présenté dans le cadre des soirées dv_vd, une collaboration entre Dazibao et Vidéographe, le 15 novembre 2017.

Image : Nayla Dabaji, A road into the sea, 2010

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